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La démission de François Blancho : un refus du régime de Vichy

François Blancho - Archives municipales de Saint-Nazaire

François Blancho - Archives municipales de Saint-Nazaire

En 1941,  la Ville est sous l'occupation allemande, le gouvernement de Vichy  incite la population française à la collaboration,  François Blancho, le maire socialiste de Saint-Nazaire,  décide de démissionner après 16 ans de mandat.  Dans  une lettre datée du 29 mai 1941 et adressée au préfet de  Loire-Inférieure, il explique les raisons qui l'incitent à renoncer à  ses fonctions.

Cette lettre a été retrouvée dans le fonds Dommée (5J, Archives municipales de Saint- Nazaire). Claude Dommée, succédant à son père Georges Dommée en 1937, est un architecte ayant participé à la reconstruction de Saint-Nazaire après la Seconde guerre mondiale. La lettre a été diffusée en grand nombre, c’est pour cela que Claude Dommée en détient une copie. François Blancho, maire socialiste de Saint-Nazaire, y explique son départ après 16 ans de mandat. Il revient sur les récents évènements l’ayant conduit à renoncer à sa fonction.

FRANÇOIS BLANCHO, MAIRE DE SAINT-NAZAIRE

Une sensibilité socialiste…

François Blancho (1893-1972), orphelin dès l’âge de 10 ans, intègre rapidement la classe ouvrière comme chaudronnier. Il acquiert à son contact une sensibilité de gauche et devient secrétaire des Jeunesses socialistes de 1906 à 1910. S’engageant en politique, il est élu maire de Saint-Nazaire (1925-1941 et 1945-1968) puis député socialiste (1928- 1942, 1962-1967).

Durant son mandat, comme il le rappelle dans sa lettre, François Blancho a à coeur d’appliquer une politique répondant aux aspirations de la classe ouvrière et soucieuse de l’épanouissement de ses concitoyens. Sont ainsi mis en place des écoles et bibliothèques, la gratuité pour les livres scolaires, des politiques d’aide sociale et de soutien aux associations sportives. François Blancho soutient également l’action menée par l’Abri Familial, logement pour les démunis fondé en 1909.

…En contradiction avec les principes de Vichy

Ce sont ces mêmes principes socialistes qui sont remis en cause avec l’arrivée du régime de Vichy. A la signature de l’armistice le 22 juin 1940, François Blancho déclare Saint-Nazaire « ville ouverte » pour éviter toute violence. En sa qualité de député, il vote également la Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 accordant au maréchal Pétain les pleins pouvoirs.

Néanmoins, la tournure que prend le régime de Vichy convainc François Blancho de soumettre sa démission au préfet de Loire Inférieure le 20 décembre 1940. Celle-ci lui sera refusée et il sera maintenu dans ses fonctions par un arrêté ministériel du 1er mars 1941.

Le 19 mai 1941, François Blancho explique devant le conseil municipal pourquoi il estime devoir rester à son poste : pour "gérer la Cité" et administrer Saint-Nazaire de manière pragmatique, tout en maintenant son soutien à l’équipe municipale.

Toutefois, le 29 mai 1941, François Blancho soumet à nouveau sa démission au préfet. Ce brusque changement d’attitude s’explique par plusieurs déclarations de l’amiral Darlan remettant en cause le statut des magistrats municipaux.

LA POLITIQUE DU REGIME DE VICHY ENVERS LES MAGISTRATS MUNICIPAUX

Une nouvelle et unique donne politique à suivre

Vichy exprime clairement une volonté de faire table rase des gouvernements précédents  lesquels sont accusés d’avoir affaibli la France par une politique défaillante et d’avoir contribué à la défaite militaire de 1940. Ces propos sont par ailleurs relayés dans l’allocution radiodiffusée du 23 mai 1941 de l’amiral Darlan.

Vichy s’engage dès lors dans une politique de "rénovation nationale", destinée à redresser la France de manière ferme et autoritaire. Ceci se traduit entre autres par une circulaire adressée aux préfets, imposant aux fonctionnaires une obéissance sans faille à leur hiérarchie et une marge de manoeuvre très réduite. La collaboration, mise en place par le régime dès le 30 octobre 1940 est fortement encouragée.

François Blancho évoque dans sa lettre le fait qu’il ne peut pas continuer l’exercice de sa fonction de maire étant donné la posture du gouvernement de Vichy vis-à-vis des régimes précédents (la IIIe République a été démantelée). Lui-même a appartenu à quatre gouvernements entre 1936 et 1940, en tant que soussecrétaire d’Etat à la Marine, puis en tant que sous-secrétaire d’Etat à l’Armement. En outre, la fonction même de maire est appelée à changer sous le régime de Vichy.

Une profonde réforme à venir sur le statut des magistrats municipaux

Une commission gouvernementale doit plancher dès le mois de juin sur une réforme de la loi municipale de 1871. Les conseils municipaux hostiles aux mesures prises par Vichy seront destitués.

De plus, les villes de plus de 3000 habitants verront disparaître leurs conseils municipaux, lesquels seront remplacés par des délégations spéciales nommées par le gouvernement. Cette mesure entre dans la ligne politique de "rénovation nationale". Elle vise officiellement à écarter les maires incompétents ou ayant eu une influence néfaste sur la conduite des gouvernements précédents. Vichy aurait dès lors la mainmise sur les municipalités.

Ce dispositif est évoqué dans les délibérations du conseil municipal du 19 mai 1941, François Blancho parle du futur "conseil d’administration" de la Ville qui s’accompagnerait d’une diminution du nombre de conseillers municipaux (de 32 à 20.

Extrait du Journal des débats politiques et littéraires, 23 mai 1941 - Gallica/BNF
Extrait du Journal des débats politiques et littéraires, 23 mai 1941 - Gallica/BNF

D’autre part, une politique "d’épuration" des maires dissidents est déjà à l’oeuvre. Le 20 mai 1941, Henri Sellier, maire SFIO

de Suresnes est destitué pour "avoir fait preuve d’hostilité manifeste à l’égard de la rénovation nationale".

On peut supposer que cette décision presque consécutive à la séance du conseil municipal de Saint-Nazaire ait incité François Blancho à démissionner.

Par ailleurs, dans les jours qui suivent la presse fait état de la dissolution de plusieurs conseils municipaux et de la

destitution de plusieurs maires.

En une dizaine de jours, François Blancho a radicalement changé d’avis et pris, à contrecoeur, la décision de quitter son poste de maire. Tiraillé entre sa volonté de rester administrer une Ville dont il a été le Maire 16 ans durant et ses convictions politiques diamétralement opposées à celles du nouveau régime, il a fait le choix de rester fidèle aux engagements qu’il avait pris aux côtés de ses camarades ouvriers. 

La lettre de démission de François Blancho est un cas particulier illustrant un contexte global : elle est significative de l’autoritarisme de Vichy, de "l’épuration" des maires et conseils municipaux et de la mise à l’écart des dissidents.

Le 21 octobre 1941, les autorités allemandes arrêtent François Blancho en représailles à l’assassinat à Nantes du lieutenant-colonel Karl Hotz par des résistants la veille. 48 otages sont fusillés le 22 octobre, dont les fameux prisonniers du camp de Châteaubriand. L’ensemble des fusillés (à Châteaubriand, Nantes et Paris) porte le nom des "cinquante otages".

François Blancho est lui inscrit sur une liste secondaire de 50 otages, destinés à être exécutés si les coupables de l’assassinat n’ont pas été retrouvés. Toutefois, l’occupant ne met pas sa menace à exécution.

Relâché par les autorités allemandes, François Blancho passe en « zone libre ». A la Libération, il est rétabli dans ses fonctions de maire. Il est ensuite réélu aux élections municipales de 1947 et se maintient à son poste jusqu’en 1968.

 ► Cet article fait partie de Seconde Guerre mondiale

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