Les Sections Sanitaires Automobiles Féminines : des femmes dans la guerre
Présentes à Saint-Nazaire à partir de février 1942, les femmes ambulancière des Sections Sanitaires Automobiles Féminines (SSAF). avaient pour mission de secourir les blessés, de transporter les victimes vers les hôpitaux, d’évacuer les enfants hors de la ville, mais aussi de former aux gestes de secours, de visiter les centres de repli et de participer au ravitaillement des populations. Des rapports conservés dans le fonds du Directeur urbain de la Défense Passive, Roger Campredon, les montrent perpétuellement sur la brèche et intervenant au péril de leur vie.
Un rapport sur le poste de Saint-Nazaire [1] montre que ces femmes jouaient un rôle de premier plan, aux côtés des autres membres de la Défense Passive et des sapeurs-pompiers de Saint-Nazaire. Ce texte présente de manière très détaillée, l’action au quotidien des SSA dans le contexte de la Seconde Guerre Mondiale à Saint-Nazaire. Des dossiers individuels appuyant des demandes de décorations de guerre apportent des précisions pour chacune d’entre elles.
Une nouvelle place pour les femmes, imposée par le contexte mondiale
Pendant la Seconde Guerre mondiale, pour la première fois, l’Etat français appelle les femmes à s’engager dans un contexte de guerre.
Le cadre législatif
C’est la loi dite « Boncour » du 11 juillet 1938 sur "l’organisation du territoire en temps de guerre" qui, pour la première fois, fait appel aux femmes pour s’engager comme volontaires dans le conflit [2] : "des volontaires français et protégés français des deux sexes qui souscriront à titre civil un engagement en vue de participer à la Défense Passive…".
Un décret-loi du 31 juillet 1940 [3] les place directement sous l’autorité militaire : "les personnels des deux sexes dont le concours a été accepté dans les conditions indiquées cidessus […] forment des unités spéciales […] ces unités sont placées dans la dépendance
des autorités militaires […] le personnel est tenu de porter un uniforme".
La Société de Secours aux Blessés Militaires
Dès la fin de l’année 1939, la Société de Secours aux Blessés Militaires (SSBM), l’une des trois composantes de la Croix-Rouge avec l’Union des Femmes de France et l’association des Dames de France, propose au Ministère de la Défense Nationale de mettre à sa disposition ses conductrices ainsi que du matériel, principalement des véhicules. Ces sections sanitaires automobiles, uniquement constituées de femmes, doivent évacuer les blessés des zones de conflit [4]. Le ministère accepte la proposition de la SSBM, dans le cadre du décret loi de 1940.

Le siège de la section sanitaire automobile est à Paris, la présidence en est assurée par la comtesse Roussy de Sales (en tant qu’infirmière major, membre du conseil central de la SSBM), et par mademoiselle Nicolle, Chef. Leur devise : SERVIR.
Les Sections Sanitaires automobiles à Saint-Nazaire
Dès le mois de février 1942, la SSBM envoie des sections sanitaires et des ambulances à Saint-Nazaire.
L’ arrivée et l’organisation des SSA à Saint-Nazaire
Au mois de janvier 1942, la municipalité de Saint-Nazaire souligne l’insuffisance du nombre d’ambulances chez les pompiers. Après le passage du directeur régional de santé, à Saint-Nazaire le 12 janvier, le maire annonce l’arrivée de deux voitures de la Section Sanitaire Automobile de Paris [5].
Les SSA arrivent en février 1942, avec deux ambulances. Elles viennent renforcer le service des ambulances assuré par les sapeurs-pompiers. L’ouverture du poste des SSA a lieu le 19 février 1942, avec comme premier chef de poste Madame Farcy. Dès son arrivée, Madame Farcy met en place le poste, dispense une démonstration publique sur le brancardage et organise des cours de secourisme, pour recruter des auxiliaires des sections sanitaires [6].
Les SSA interviennent à la demande des autorités locales départementales, de l’armée d’occupation mais également à la demande de la Croix-Rouge. Elles portent secours sur le terrain avec les membres de la Défense Passive et des pompiers de Saint-Nazaire.
Peu de temps après leur arrivée, les bombardements s’intensifient.
Les moyens pour agir et les actions au coeur du conflit

En 1943, on compte quatre ambulances [7] à Saint- Nazaire, véhicules des SSA et des sapeurs pompiers compris. Les effectifs des SSA au cours des années 1942-1943 comprennent 15 conductrices dont deux chefs de postes : Madame Farcy et Madame Morel de Villiers. Ces effectifs ne prennent pas en compte les jeunes femmes de la ville qui se portent volontaires en tant qu’auxiliaires des SSA. Par ailleurs, la composition des équipes évolue constamment.
Le 18 janvier 1943, on impose au SSA de cesser leur activité, mais beaucoup d’entre elles tiennent à rester et se mettent à la disposition de la municipalité.
L’organisation des SSA évolue, au cours de l’année 1943
Des membres de la direction des SSA viennent dans la région au cours de l’année 1943, rencontrer le Préfet Bonnefoy en vue de la réorganisation du poste des SSA, la municipalité ne pouvant plus assumer les dépenses liées au fonctionnement du poste. Pour ne pas perdre ces sections, le Département accepte de les prendre en charge, en mettant en place une nouvelle organisation indispensable au secours des blessés.
Sur les quatre voitures, trois sont équipées d’une installation à gazogène pour faire face à la pénurie d’essence. Les ambulances sont affectées comme suit :
- deux ambulances stationnant à la Baule desservent l’hôpital annexe des Fleurs Solaires
- une voiture pour Saint-Gildas-des Bois
- une dernière voiture à Ancenis
Des femmes dans la guerre
En plus de secourir blessés et victimes avec les moyens dont elles disposent, ces ambulancières accomplissent beaucoup d’autres missions pour venir en aide à la population
Secourir les populations au péril de sa vie
Peu de temps après l’arrivée des SSA, les bombardements reprennent. Ils vont s’intensifier au cours des années 1942 et 1943. A chaque alerte, les conductrices assurent le transport des blessés et des morts au péril de leur vie. Des rapports d’accidents décrivent les conditions dangereuses de leurs missions comme le montrent ces extraits :
Les ambulancières se portent au secours des victimes, assurent le transport des blessés vers les hôpitaux de la région, récupèrent les morts et procèdent à l’évacuation de la population de la ville. Au quotidien, elles entreprennent de nombreuses démarches pour assurer le ravitaillement de la population, notamment des femmes, enfants, vieillards et nourrissons pour lesquels elles tentent d’obtenir du lait. Elles s’assurent également que les zones ne soient pillées, dans un contexte de pénurie où tout manque y compris l’eau, le gaz et l’électricité.
Evacuation des enfants de Saint-Nazaire
Les opérations d’évacuation ou de placement des enfants débutent dès le 14 mars 1942. A la demande du Directeur de la Santé de Loire Inférieure, les SSA sont chargées de recenser les enfants pour les évacuer dans les départements de repli. En mai 1942, 103 enfants sont ainsi adressés dans les centres Guynemer [8].
La prise en charge des enfants de Saint-Nazaire se poursuit avec l’arrivée de Madame Guéret, nouvelle chef de poste au mois de septembre 1942. Des départs sont alors organisés vers les familles du département, mais aussi vers la Suisse et l’Algérie.
Former, recruter, visiter les centres de repli de la région
En plus de leurs activités de secours, les SSA assurent des cours de brancardage, portent assistance aux médecins, tiennent une permanence dans la mairie de Méan et effectuent des visites d’inspection des centres de repli des enfants.
D’après un bilan dressé pour la période allant du 1er mai 1942 au 30 janvier 1943, les SSA de Saint-Nazaire ont subi 25 bombardements, réalisé 53 déplacements d’alerte, transporté 1137 personnes, parcouru 11.501 kilomètres, organisé 1272 départs d’enfants et 41 départs de vieillards.
[1] Rapport sur le poste de Saint‐Nazaire, Fonds Campredon, 3J/4
[2] Loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre. JORF du 13 juillet 1938
[3] Décret du 31 janvier 1940 relatif à l’acceptation des libéralités faites à l’Etat pour les besoins du service de santé militaire. JORF du 7 février 1940
[4] Jean‐Jacques Monsuez, « Les sections sanitaires automobiles féminines « Revue historique des armées, 247 2007, [En ligne], mis en ligne le 23 juillet 2008. URL : http://rha.revues.org/index2033.html. Consulté le 20 décembre 2012. Jean‐Jacques Monsuez analyse de façon très détaillée la mise en place de ces sections sanitaires automobiles féminines.
[5] Délibération du conseil municipal du 2 février 1942 intitulée "Défense passive – Organisation Générale – Amélioration dans le fonctionnement des services".
[6] Vie de chateaux ?.‐ Université Inter Ages, 2005.‐ p 125‐130. L’une de ses ancienne auxiliaire des SSA a laissé un témoignage précieux sur ces femmes.
[7] Délibération du conseil municipal du 31 mai 1943 intitulée "Assurances des voitures automobiles ambulances municipales – Police tous risques".
[8] Le centre Guynemer était une oeuvre caritative dont l’objectif était de protéger les enfants et les éloigner des zones de conflit. Cette oeuvre fut fondée par Madame Villiers de la Noue et baptisée du nom de son frère, Georges Guynemer).